C'est la première fois que se rencontrent Cynthia Moss, la célèbre zoologue spécialiste des éléphants et Honoré de Balzac l'auteur prodigieux de "La comédie humaine".
Pour que tout soit dit de ce qui lit les hommes et les éléphants, c'est un sculpteur qui fait les présentations : van den berghe.

Nous sommes si proches des éléphants que les pas des uns deviennent les routes des autres, tellement proches que lorsque la route disparaît, reviennent s'imprimer à nouveau sur la terre fraîche les pas qui l'avaient ouverte. L'exposition de "La comédie humaine" est une photographie aérienne de la société des éléphants, et se veut être en même temps une vue sans complaisance mais sans méchanceté non plus, de celle des hommes.
Les proverbes et citations de Balzac sont ici détournés et joués par les éléphants de Cynthia Moss dans une nouvelle version de "La comédie humaine", celle de van den berghe.
L'artiste dispose du droit divin de nier l'anthropomorphisme de ses sculptures et vous, vous lui devez de le croire, sans restriction.

Cynthia MOSS nous révèle une société des éléphants riche de qualités qui, si elles appartiennent aussi à la société des hommes, ne comportent pas les démesurées faiblesses qui lui sont spécifiques.

Extralucide, Honoré de BALZAC qui savait, qui sentait tout de l'homme, et surtout ces choses enfouies avec le plus grand soin.
Un artiste qui sa vie durant à bafoué les règles inflexibles qu'il avait décryptées et lutté contre les principes pourtant disséqués avec précision et raffinement.
Peu à peu son oeuvre est devenu un cimetière des dernières illusions et le roman comme un prétexte à la dénonciation des basses motivations de la vie de ses contemporains.
Si BALZAC à si bien su "écrire" les hommes, c'est qu'il s'est toujours senti comme faisant partie du genre en ayant dès le début fait la description de ce qu'il voyait dans le miroir, pour parler de celui qui était derrière.

La rencontre de Cynthia MOSS et BALZAC me semblait indispensable tant la pertinence du discours de l'écrivain fait référence à la mémoire.
Les conséquence de nos actions sans conscience influent la mémoire de ce que l'homme laisse à sa progéniture. L'existence même de l'animal en est menacée, mais pas seulement elle, celle de l'homme sans éléphant serait un désastre.
Cette improbable rencontre devenait indispensable pour créer un lien plus direct, plus immédiat, entre action et conséquence.
Voilà pourquoi les proverbes, les citations et les maximes de BALZAC, prélevés au fil de la lecture

  
et de la relecture d'une oeuvre gigantesque sont interprétés, détournés et joués par les éléphants de Cynthia MOSS dans ma propre version de "LA COMEDIE HUMAINE ".
François Vandenberghe est né en 1951 dans une petite ville de la très plate région de Beauce en France. Après un très long séjour de 27 ans au Gabon et plusieurs voyages au Japon et aux Etats-Unis, il s'installe en France en 1988 et se consacre exclusivement à l'art plastique depuis 1995.
L'homme qui, par ailleurs est l'auteur des TRACES, une écriture artistique très personnelle, d'où disparaît totalement le savoir faire plastique, ne cesse de nous raconter ce que nous sommes.

Chaque pièce de van den berghe est une allégorie qui devient un véritable miroir pour celui qui fait l'objectif examen de sa propre condition ou, pour le moins, de celle de son voisin le plus immédiat, quand il n'est plus tout à fait ou tellement trop, homme.

 

Que le vecteur utilisé soit celui d'un personnage ou d'un animal, l'histoire qu'il faut y lire, si elle est représentative de toutes nos faiblesses, est surtout celle de sa propre vie.

Si le caractère est si présent dans l'œuvre de van den berghe, ce n'est pas seulement grâce à l'indéniable maîtrise de l'auteur, mais c'est parce que la réalisation n'est véritablement achevée que lorsqu'elle devient le porte-parole muet de l'artiste, de son idée.

"L'œuvre de van den berghe est intellectuellement déroutante et parfois dérangeante, mais elle est belle et terriblement, intensément humaine . "
F .de la MONTAGNE, Regards, Suisse, octobre 1998.

  JACHERE BRULEE

Jachère brûlée est une allégorie sur la partie équatoriale et tropicale d'une Afrique en plein désarroi. Une Afrique pourtant désirable et pleine d'une richesse intérieure inexploitée, qui se laisse aller pendant que nombre de ses propres élites se demandent seulement si la " pompe Afrique " va fonctionner encore longtemps de la sorte. La chose est tellement ancrée*, semble si naturelle, qu'on en arrive même à se demander si ces irresponsables responsables se posent la question.

Une Afrique multiculturelle qui se délite sans connaître un début d'existence aux yeux du plus grand nombre.
Une Afrique dont les populations malades, dramatiquement plus nombreuses tous les ans, doivent faire face au mercantilisme des sociétés industrielles. Une Afrique violée pendant qu'elle est au plus mal, qui ne profite même plus du paternalisme de l'occident, autrefois, parfois bienveillant même si toujours aveugle. Une Afrique magnifique, mais qui est en l'état de jachère brûlée....... et qui ne doit compter que sur elle seule pour s'en sortir .

 

  CHOUM

"Choum, c'est le nom de cette sculpture, même si c'est surtout le nom de l'alcool de riz que l'on boit dans le Sud-est asiatique, que j'ai imaginé être le seul élément à lui donner pour que, peut-être, elle se relève.

La sculpture et le titre de cette réalisation sont nés d'une rencontre avec M. Camille Mayaux au Salon de l'Agriculture de Paris en 1998. L'émotion qu'il ressentit à la vue d'une mule poitevine bâtée pour la présentation au public fut si puissante que je m'en suis personnellement imprégné. Cette rencontre l'a ramené brutalement cinquante ans en arrière et il voulut, au travers des quelques propos qu'il me tint, rendre un vibrant hommage à cet animal trop injustement oublié.

Parmi les choses qui marquèrent le plus mon imaginaire dans le récit de cet homme ce fut l'histoire de cet animal abandonné à demi mort et fourbu au bord d'une piste d'un lointain pays du Sud-est asiatique, qui rejoindra, trois cent cinquante kilomètres plus loin et trois semaines plus tard, le groupe, en trouvant seul un chemin qu'il ne connaissait pas. Cette mule allait s'appeler Choum, elle allait exister à nouveau au moment précis où elle s'écroulait sur le sol, épuisée, sur le point de basculer dans le vide au sens propre comme au sens figuré.

D'autres paroles ont été échangées au sujet des mules, à chaque fois un puissant plaidoyer: Un grand nombre d'entre elles s'estomperont après avoir enrichi la création de ma sculpture. J'espère en avoir totalement respecté l'esprit en entrant en contact avec la matière palpable, créatrice de Choum, une ambassadrice digne de représenter les mules.

Il est des devoirs de mémoire qu'il nous faut honorer au mieux, même s'ils ne s'adressent qu'à la reconnaissance de l'homme vis-à-vis d'une simple mule, pour qu'enfin ses qualités, aussi grandes que ses oreilles, de bravoure, de courage et d'abnégation ne soient jamais effacées de nos esprits d'hommes confortablement installés dans la modernité de cette fin de siècle. Qu'est-ce que cinquante cinq ans en arrière ? Rien, une poussière... Et pourtant. nos propres enfants savent-ils aujourd'hui ce qu'est une mule, ce qu'elle a pu représenter pour nos pères qui ont écrit avec elle une page glorieuse mais au combien sanglante de notre HISTOIRE ?

Des mulets du Poitou en pays chinois
"Tous ceux qui, en mars et avril 1943, ont fait partie de la Colonne Seguin qui essayait de gagner la frontière de la Chine après le coup de force du Japon du 9 mars 1943, en empruntant les pistes les moins connues de l'armée du Mikado, se souviennent des difficultés rencontrées lors de cette marche qui dura deux mois. Quelques 1 500 hommes et autant de chevaux et de mules composaient cette colonne. Les mulets, magnifiques animaux de 1,60 mètre au garrot, étaient pour la plupart originaires du Poitou et transportaient, sur des bâts, les divers éléments des canons ainsi que le ravitaillement en munitions et en vivres pour les hommes et les animaux.

Choum fidèle compagnon du soldat
Afin d'éviter les troupes japonaises motorisées qui empruntaient les routes carrossables des vallées, la Colonne Seguin passa par les pistes tracées à flanc de montagne. Ces pistes étaient parfois si étroites que le mulet avait toutes les peines du monde à maintenir son équilibre, entraîné qu'il était par la largeur du bât et de son chargement. Parfois, quand ils en avaient le temps, les artilleurs débâtaient les animaux en difficulté, les aidaient à passer et les rebâtaient ensuite. Parfois un animal culbutait dans le ravin et descendait la pente en roulant, dispersant son chargement tout au long de sa chute. La Colonne s'arrêtait, tous les hommes se penchaient et souvent voyaient le mulet se relever; se secouer pour se débarrasser des restes de son chargement et se mettre à brouter tranquillement. Quelques hommes descendaient avec des cordages et remontaient le mulet et son chargement aidés par ceux d'en haut. Des étapes de quarante à cinquante kilomètres par jour fatiguaient la plupart des animaux qui récupéraient difficilement malgré les soins prodigués. Il arrivait qu'à bout de force un mulet s'effondre sur le bord de la piste : on lui retirait sa charge, on essayait de le relever parfois sans succès. Pour ne pas attirer l'attention des Japonais sur la position de la Colonne, le mulet n'était pas achevé et son conducteur déposait près de lui un peu de paddy, une brassée de feuilles de bambou et l'abandonnait pour rejoindre la Colonne, Quelques jours plus tard, l'arrière-garde apercevait l'animal qui, ayant repris des forces, venait reprendre sa place au sein de son unité, faisant ainsi